Paris, France
Dimanche 30 Janvier
Jeune Afrique

La variable décisive » est-elle dans les gènes?
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Béchir Ben Yahmed

Un livre américain, dont nous vous reparlerons, pose crûment deux questions qu'on n'évoque habituellement qu'avec prudence et moult précautions :
- Pourquoi les athlètes noirs (d'ascendance africaine) sont-ils, la plupart du temps, supérieurs aux Blancs (et aux Jaunes) dans de très nombreuses disciplines ?
- Et pourquoi n'osons-nous pas en parler librement ? Faisant un pas de plus dans le sens de la provocation, l'éditeur a choisi pour titre de l'ouvrage un seul mot, mais fort : Tabou(*).

La réponse la plus répandue et la plus acceptée à la première question est que les Noirs excellent dans les sports qui requièrent force physique et endurance, y dominent les Blancs et les Jaunes parce que les autres voies du succès et de la distinction, dans la vie intellectuelle et dans les affaires en particulier, leur étaient barrées et le sont encore dans une grande mesure. L'auteur du livre n'accepte pas cette explication ou, plus exactement, ne s'en contente pas. Il rappelle au passage que, pour une vraie réussite, en sport comme dans d'autres domaines, il faut non seulement de la force et de l'endurance, mais aussi de la cervelle : on ne peut pas être premier au niveau mondial, décrocher une médaille d'or, avec ses seuls muscles. Jon Entine s'amuse à rappeler également qu'un célèbre commentateur sportif américain de l'après-guerre affirmait, en 1945 ? la ségrégation était encore de mise ?, que les Noirs ne pouvaient pas réaliser de grandes performances sportives « tout simplement parce qu'ils n'avaient pas assez de cervelle pour cela... » (sic).

Mais le plus important, le plus nouveau, le plus osé, et qui forme la thèse centrale du livre, est que les Noirs ont des attributs génétiques qui les avantagent dans certains sports : « la variable décisive » est dans les gènes. Entine soutient que l'élite des athlètes d'ascendance africaine est héritière d'un squelette, d'une musculature et de métabolismes millénaires qui lui donnent, pour des raisons physiologiques, plus de rapidité, de force et de vitesse de réaction. L'exemple de ce chercheur suédois qui a conduit au Kenya les plus grands champions d'athlétisme de son pays pour constater qu'ils étaient surclassés par plus de cinq cents Kényans est, pour Jon Entine, l'illustration de sa théorie.

La thèse est séduisante ; elle est même (peut-être) fondée. Mais elle est dangereuse et à double tranchant... Dès lors qu'on explique la supériorité d'athlètes par des caractéristiques physiques propres à leur race, comment ne pas être tenté d'expliquer également l'infériorité de cette race ? ou d'une autre ? dans tel ou tel domaine, par quelque particularité intrinsèque. Et si les hommes et les femmes n'ont pas les mêmes potentialités physiques et intellectuelles d'une race à l'autre, sur quoi peut se fonder l'antiracisme ? Par ailleurs, comment s'explique la suprématie des Juifs et/ou des Asiatiques dans certains secteurs d'activité ou la virtuosité des premiers dans la pratique de certains instruments de musique ? Par les chromosomes et les gènes ? Et pourquoi les Russes battent-ils tous les autres aux échecs ? Dons innés ou supériorité acquise grâce à l'environnement et la culture, au sillon tracé par plusieurs générations ? Comme vous le voyez, le sujet défriché par Tabou mérite d'être approfondi. Il suffit d'en parler sans préjugé.

* Taboo: Why Black Athletes Dominate Sports and Why We Are Afraid to Talk About it Public Affairs, January 2000

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Sunday January 30
Africa Young Person

Is the Decisive Variable in Our Genes?

Review of: Taboo: Why Black Athletes Dominate Sports and Why We Are Afraid to Talk Butt it Public Affairs, January 2000

By Béchir Ben Yahmed

An American book, Taboo: Why Black Athletes Dominate Sports and Why We Are Afraid to Talk About It, raises two questions that one usually mentions only with utmost prudence: “Why are athletes of African descent, most of the time, better than their White and Asian competitors in so many sports?” And, “Why don't we dare speak freely about this phenomenon?” The author gave his book the provocative title Taboo

The most familiar answer to the first question is that Blacks excel in sports that require physical force and endurance, while Whites and Asians dominate in other ways, such as in the intellectual world and in business. The author does not accept this explanation. Taboo explains that, for a true success in sport as in other fields, one needs not only physical but mental skills; one cannot be a world-class athlete and win a gold medal relying only on muscles. Jon Entine notes with irony that a famous American sporting commentator of the post-war period, in 1945, when segregation was still in place, wrote that Blacks would never be great athletes simply "because they did not have enough brain for that..."

Most significant, about Taboo, and most daring, and what forms the central thesis of the book, is Entine’s contention that Blacks have genetic attributes which favour them in certain sports: "the decisive variable" is in genes, he writes. Entine offers evidence that the skeleton, musculature and metabolisms of elite athletes have been shaped by thousands of years of evolution. Athletes of West African ancestry are, on average, faster and have quicker reactions, while East Africans have larger natural lung capacity, a key factor in making them better endurance athletes. Entine goes on to tell the story of a Swedish researcher who led a team of top runners to Kenya, where they were outclassed by mere high schoolers.

This thesis is tempting; it is even (perhaps) founded. But it is dangerous and with a double edge. Since one explains the superiority of athletes by specific “racial” physical characteristics, how not to be tempted to also explain the relative lack of intellectual success of Blacks, or of another race, in such or such field, based on some innate characteristics. And if men and the women do not have the same physical and intellectual potentialities from one race to another, by what argument can we base attacks on racism? In addition, how can we explain the supremacy of the Jews and/or Asian in certain branches of industry or their virtuosity in music? By the chromosomes and genes? And why do the Russians beat all the others in chess? Innate gifts, or superiority acquired thanks to the environment and the culture? As is clear, the subjects addressed in Taboo need to be handled thoroughly and carefully. The book speaks to this controversy without polemics or prejudice.